LES SAHRAOUIS AUX AVANT-POSTES DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME, LES TRAFICS DE DROGUE ET D’ÊTRES HUMAINS

A l’initiative de Jean Paul Lecoq, député, membre de la Commission des Affaires Etrangères et président du groupe d’étude sur le Sahara occidental de l’Assemblée nationale, s’est tenu un iimportant colloque intitulé « Le Sahara occidental face aux défis sécuritaires dans la région ». L’Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique (AARASD) ainsi que l’Observatoire Universitaire International du Sahara Occidental (OUISO) ont contribué à faire de cette initiative un véritable succès.
Depuis le cessez-le-feu de 1991, la région doit faire face aux défis du terrorisme islamiste, aux trafics de drogues et d’êtres humains ainsi qu’à des conflits territoriaux, source d’instabilité. Les universitaires présents notamment d’Espagne, de Mauritanie ou d’Algérie ont pu mettre en évidence, de manière inédite, le rôle, l’engagement et l’expertise de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) dans la recherche de la sûreté et de la sécurité. Ils ont également déconstruit la propagande marocaine vis à vis de ces enjeux régionaux.
La zone de contact entre le Sahel et le Maghreb concentre aujourd’hui l’ensemble de ces tensions avec une imbrications entre les trafiquants et les terroristes qui bénéficient de la faiblesse des Etats faillis et de la complicité d’Etats plus stables. Le Sahara Occidental est au coeur de ces enjeux d’autant que le mur de 2600 km édifié par le Maroc pour séparer les zones occupées et libérées est un lieu de concentration des activités délictieuses et terroristes. Or la militarisation exceptionnelle de cet espace rend impossible le franchissement du mur sans la connivence des autorités marocaines.
Près de 40% des drogues dures transitent désormais autour d’un axe reliant le Tchad à la Mauritanie. De manière analogue, le Maroc, premier producteur et exportateur de cannabis dans le monde est une plaque tournante et une zone de passage vers l’Egypte, les pays du Golfe et l’Europe. Ces trafics sont souvent organisés et toujours sécurisés par des groupes djihadistes. Des enquêtes anciennes avaient déjà mis en évidences des liens entre l’entourage d’Hassan II et le commerce du cannabis tandis qu’une compagnie aérienne marocaine a été impliquée, il y a peu de temps, dans un trafic de cocaïne entre Caracas et Casablanca. La RASD, en revanche, est totalement engagée dans cette lutte qui affecte son territoire, par la sensibilisation qu’elle met en oeuvre auprès de ses populations, la formation de juges spécialisés et l’implication de son armée.
Le terrorisme constitue une menace considérable pour la stabilité régionale. Des groupes djihadistes particulièrement violents menacent le Sahara Occidental. Le MUJAO (Mouvement pour l’unité et le djihad en Afrique de l’Ouest) est présent alors que l’Etat Islamique a déjà mené des opérations contre l’agence des Nations Unies (MINURSO). Depuis le nord du Mali, Ansar Al-Islam et Daesh menacent le Sahara Occident tout en entrenant des liens avec Boko Haram et AQMI. Là encore, contrairement à ce qu’il prétend, il existe des connexions entre l’Etat marocain et des réseaux terroristes. Récemment des membres des servives secrets ont été expulsés de Belgique et d’Espagne pour des liens avec les milieux islamistes. Des déclarations d’un ancien ministre de l’Intérieur (1999) ont révélé l’aide apportée par le Maroc à des terroristes algériens pendant la décennie meurtrière alors que le président du Burkina Faso expriment la même inquiétude aujourd’hui. L’importance du phénomène est perceptible par le nombre de marocains combattants en Syrie, impliqués dans les attentats en Europe mais dans aussi la protection dont bénéficient certaines écoles coraniques dont l’une d’entre elle a été l’épicentre de l’assassinat de deux jeunes touristes d’Europe du Nord.
La RASD s’est toujours gardée de toute action terroriste et l’éducation des populations dans les camps de réfugiés contre ce fléau est une priorité. La lutte contre le terrorisme est donc pour eux un impératif stratégique.
Dans le même esprit la lutte contre le trafic d’êtres humains est devenue un enjeu crucial dans la région d’autant que les routes migratoires d’Europe orientale et centrale sont désormais fermées. La voie occidentale qui passe par le Maroc attire toutes les attentions. Dans ce domaine, le Maroc a opéré une mutation opportuniste. En 2007, Mohammed VI évoquait la traîte comme un désastre humanitaire alors qu’il déploie maintenant un arsenal répressif violent allant jusqu’à abandonner les migrants à la frontière désertique sud. Mais en même temps, le mur bâtit par les marocains est une entrée privilégiée permettant d’instrumentaliser les migrants comme moyen de pression sur l’Union Européenne. En dépit de ses moyens limités, le RASD continue de déployer une politique d’accueil permettant à des migrants d’échapper aux réseaux de passeurs mafieux et terroristes.
Enfin les conflits territoriaux accentuent l’insécurité régionale comme le rappelle le Conseil de Sécurité de l’ONU. Or la politique étrangère marocaine est axée autour d’un projet expansionniste, celui du « Grand Maroc » la conduisant à réclamer des terres chez ses voisins algériens, mauritaniens et maliens. L’occupation illégale du Sahara Occidental, la colonisation et le refus d’organiser un référendum d’autodétermination encouragent une instabilité dans un espace traversé par des tensions considérables.
Le rôle positif de la RASD pour la paix se heurte cependant à des obstacles pour faire face à ces défis. Il est de la responsabilité de la France et de l’Union Européenne de leur apporter une aide matérielle en équipements, moyens de transports et en dispositifs d’écoute. Pour ces raisons, il s’avère indispensable d’élargir le G5 en faisant de la RASD un membre à part entière. La lutte contre ces défis cruciaux nécessite de dépasser les petits calculs politiciens et d’associer toutes les forces, notamment le Front Polisario, dans ce combat.

Pascal TORRE
responsable-adjoint du secteur international du PCF
en charge du Maghreb et du Moyen-Orient

1 Parmi les intervenants dont nous exposons ici les principales conclusions : Jean Paul Lecoq (député), Régine Villemont (AARASD), Sébastien Boulay (OUISO), M. l’Ambassadeur Oubi Bouchraya (représentant du Front Polisario), S. Mohamed Sidina Cheikh Hamdi (université de Nouakchott), Abdelkader Abderrahman (université de Lyon), Catherine Constantidinès (militante, Afrique du Sud) et Carlos Ruiz Miguel (Université de Santiago de Compostelle).