Campement de Haouza, printemps 2004.
Le maire d’Haouza et les responsables des comités de la commune recevaient un petit groupe de français (Éclaireurs de Fréjus, AARASD) pour préparer la venue des enfants d’Haouza cet été. Les discussions allaient bon train, des questions pédagogiques on passa aux problèmes plus généraux, par exemple les fameuses « mesures de confiance ». Le maire signala alors la présence d’une personne, venant du Sahara occidental occupé, dans sa daïra(commune). Était-il possible de la rencontrer ? le souhaitait-elle ? pas de problème.
La rencontre s’organisa aussitôt, c’était le moment un peu tranquille de l’après-repas et Haouza n’est pas si étendue. Le premier contact fut un peu timide, emprunté. Pas de question politique pour respecter les consignes du HCR ! Au fil de la conversation, deux réactions à retenir. À la question, quels changements entre le régime de Hassan II et celui de Mohamed VI, un seul mot a fusé «photocopie», et à celle relative aux mariages entre marocains et sahraouis «ça n’existe pas, chacun reste de son côté».
Les campements en ce printemps 2004 bruissaient de la présence des premiers sahraouis (l’opération mesures de confiance a débuté le 9 mars) venus des zones occupées du Sahara occidental. Ces retrouvailles de quelques jours de familles séparées depuis 3 décennies constituent en effet une expérience singulière, l’abolition du temps la réécriture d’histoires familiales interrompues et elles alimentent intensément Radio campements !
La radicalité des points de vue – en dépit de la prudence publiquement affichée suivant les recommandations du HCR – s’exprime entre les lignes des conversations et interpelle les sahraouis des campements. Ceux-ci en allant sur place se rendent compte plus concrètement de ce que représente la confrontation directe avec les représentants du pouvoir marocain au Sahara et le sentiment «d’enfermement» de leurs proches, eux pour qui le premier sel de la vie est la liberté du désert.Des familles séparées depuis trente ans, qui se retrouvent permettent d’abord de réunir des histoires privées. Ces histoires privées recomposées croisent l’histoire collective. Histoires douloureuses de 30 ans d’exil, de séparation et de l’imposition d’un ordre colonial où l’on est obligé de cacher ce que l’on est, ce que l’on pense. Aussi ces mesures de confiance qui rapprochent physiquement les familles vont exalter la conscience de l’identité et constituer un mélange détonnant qui ne sera pas sans conséquences sur la suite des évènements et sur l’avenir du Maghreb.