Derrière le miroir d’une pseudo-démocratie, un pouvoir autoritaire et colonial qui torture et embastille pour imposer ses règles.
L’histoire récente du Maroc n’est pas celle – démocratie et développement pour tous ! – que la monarchie chérifienne s’emploie à exalter à l’étranger ! Les associations des droits de l’homme, les militants et les journalistes non encore séduits par les prébendes du mahkzen ont décrit les années « de plomb » sous Hassan II, mais aussi les procès truqués et les emprisonnements multiples sous Mohamed VI. Procès et emprisonnements qui concernent en particulier des dizaines de civils sahraouis.
Cette histoire sombre, que les officiels voudraient dissimuler, c’est dans les prisons marocaines, avec les prisonniers politiques, qu’il faut aller la chercher ! Le souvenir des plus anciens, dont le nom est connu, y règne encore : Abraham Serfaty, Mohamed Daddach, Lhacen Moutik ; ce dernier fut un des seuls Sahraouis jugés par un tribunal, avec le groupe dit « de Meknès », alors que tous les autres disparaissaient dans les bagnes marocains. Beaucoup de ces 1000 disparus sont morts sans que leurs familles sachent encore, 40 ans après, où sont leurs corps. Ceux revenus de l’enfer, après 10 à 16 ans de disparition, 500 personnes, hommes et femmes, se sont reconstruits en reprenant la lutte pour l’autodétermination, fondamentalement pour la démocratie et pour un idéal de bonheur qui pourrait être partagé par tous.
Depuis plusieurs années, nous essayons d’entrer en contact avec des prisonniers sahraouis, des hommes jeunes le plus souvent, condamnés pour délit d’opinion ou pour avoir manifesté pacifiquement. Difficile de « forcer » les portes de ces prisons, difficile de faire passer les courriers, difficile de recevoir les réponses… Aussi, c’est une rencontre avec Naama Asfari, visité par sa femme Claude et par son beau-père Michel, qui va nous permettre de mettre au jour cette histoire.
Le dénombrement des effectifs dans les prisons est difficile, toutes les informations ne passent pas ou tardivement. Plus difficile encore la connaissance des peines de prison, car la détention préventive et les reports successifs des procès, pratique systématique au Maroc, en compliquent la prise en compte exacte.
Concernant les prisonniers sahraouis et pour ceux déjà passés en procès, 21 personnes ont été condamnées de 6 mois à 5 ans, la peine de 3 ans d’emprisonnement étant la plus courante, 4 personnes de 5 à 10 ans, 2 personnes à 15 ans, 3 personnes à 20 ans, 7 personnes à 25 ans, 4 personnes à 30 ans (c’est la situation de Naama Asfari) et 8 personnes condamnées à la prison à perpétuité. Les peines les plus lourdes ont été prononcées par la Cour militaire de Rabat, en particulier à l’occasion du procès dit de Gdeim Izik qui a concerné 23 personnes. (deux d’entre eux, condamnés moins lourdement, ont été libérés après la détention préventive de deux ans et 4 mois)
Concernant les prisonniers marocains, nos informations sont incomplètes. Les peines semblent moins lourdes, mais toujours supérieures à 6 mois et très souvent les procès condamnent après de longues périodes de prison préventive. Comme pour les prisonniers sahraouis, les peines de 3 ans semblent les plus souvent appliquées.
Le nom « Gdeim Izik » revient souvent dans les témoignages. Lieu fondateur pour tous les Sahraouis. Camp de toiles établi à l’écart d’El Aïoun pendant un mois d’octobre à novembre 2010, qui a rassemblé jusqu’à 20 000 personnes : opposition massive et pacifique à l’occupation marocaine que Naama et ses 20 compagnons ont payé avec des condamnations de 25 ans à perpétuité, de prison.
Prisonniers marocains
Maroc du Nord 3 centres ; 30 prisonniers (Taza 4 / Tanger 5 / El Hoceima 21) Maroc Central 4 centres ; 55 prisonniers (Aïn Kadous (Fès) 21 /Toulal (Meknès) 7 / Salé 21 (islamiste) / Kénitra 6) Maroc Sud 4 centres ; 34 prisonniers (Agadir 4 / Tiznit 6 / Ouarzazate 23 / Essaouira 1)
Prisonniers sahraouis
Maroc central 1 centre ; 26 prisonniers (Salé : 26) Maroc du Sud 3 centres ; 37 prisonniers (Tiznit 9 / Aït Melloul 21 / Inzegane 7) Sahara occidental 2 centres ; 10 prisonniers (El Aïoun 4 / Dakhla 6)