Plus d’un an après la décision de justice de la Cour européenne (21 décembre 2016), mettant en cause la légalité de l’application des accords commerciaux UE/Maroc au Sahara occidental sans le consentement du peuple sahraoui, le Front Polisario se déclare prêt à exiger de l’UE 240 millions d’euros au titre de réparations ! En effet, contrairement à ce qu’impliquait l’arrêt de la Cour, les produits issus du Sahara occidental continuent d’être importés dans l’Union comme s’ils venaient du Maroc, avec des avantages douaniers en faveur de ce dernier. Et bien sûr, sans que le consentement du peuple sahraoui, à travers son représentant unique et légitime, le Front Polisario, ait été obtenu ni même demandé !
Cette déclaration a été faite le 30 janvier par le Ministre sahraoui délégué chargé de l’Europe, Mohamed Sidati, dans une interview à l’agence de presse espagnole Europa Press. Il a aussi annoncé que le Front Polisario pourra poursuivre en justice, en leur réclamant des paiements directs, les entreprises européennes exerçant au Sahara occidental qui ne s’adresseraient pas aux autorités sahraouies pour régulariser leur situation.
Pour sa part, l’avocat du Front Polisario, Me Gilles Devers, a confirmé lors de cette interview qu’ils feraient « un recours en responsabilité contre l’Union européenne pour les dommages subis ». Il a ajouté que « les Sahraouis sont très généreux de ne pas réclamer une indemnisation pour les exportations de produits du territoire sahraoui antérieures au 21 décembre 2016.» Cela fait en effet bientôt 40 ans que ces ressources sont pillées, et que le peuple sahraoui, pour une grande partie contraint à l’exil et à la séparation par l’occupation marocaine illégale, n’en tire aucun bénéfice.
Quelques mois après le 21 décembre 2016, le Conseil de l’UE a accordé à la Commission un mandat pour renégocier les accords avec le Maroc (accord « agricole » et accord d’association). Officiellement, pour se conformer à l’arrêt de la CJUE. Mais, même si le contenu du mandat est resté secret, certaines informations font apparaître la volonté des deux parties, UE et Maroc, de trouver un moyen de contourner l’arrêt afin de poursuivre « légalement » l’importation dans l’UE de produits issus des territoires occupés sahraouis.
Pour Me Devers, les responsables de la Commission européenne sont, tout simplement, en train de « remettre en cause l’autorité de la CJUE » qui est la plus haute instance juridique de l’UE. Il a qualifié la démarche adoptée jusque-là par l’exécutif européen de « jeu extrêmement dangereux », mettant en garde contre le risque de voir la Commission mener des consultations avec la population vivant sur le territoire du Sahara occidental, constituée principalement de colons marocains, alors que la CJUE a clairement dit la nécessité de recueillir le consentement du « peuple » sahraoui, celui dont le droit à l’autodétermination est toujours à l’ordre du jour.
Pour sa part, Mohamed Sidati a souligné que l’Union européenne devait assumer ses responsabilités, sachant qu’en manipulant la situation, l’Espagne et la France « portaient atteinte chaque jour davantage au processus de paix et à la perspective de parvenir à une solution pacifique au Sahara occidental. »
Toutefois, le responsable sahraoui a exprimé son espoir, non seulement en raison des déclarations de l’avocat général devant la CJUE, qui a dit le 10 janvier 2018 que l’accord de pêche UE-Maroc n’était pas valide, mais aussi parce que ces derniers jours plusieurs entreprises ont annoncé qu’elles se retiraient du Sahara occidental, comme la société canadienne Nutrien Phosphate ou la société pétrolière britannique-suisse Glencore, tandis que la société italienne Enel suspendait ses activités et alors que le gouvernement allemand déclarait qu’il ne soutiendrait plus les investissements de Siemens au Sahara occidental.
Il a conclu que le Front Polisario irait jusqu’au bout, et qu’il ne négligerait de taper à aucune porte pour arrêter le pillage des ressources naturelles du peuple sahraoui.
L’AARASD se réjouit d’une telle fermeté conforme aux exigences du droit international et espère que les institutions européennes comme les entreprises comprendront très vite où sont leurs réels intérêts, et aussi l’intérêt du peuple sahraoui car, comme l’a souligné Mohamed Sidati, « nous avons dit depuis le début que nous ne sommes pas contre les intérêts européens au Sahara occidental ; nous avons besoin d’investissements et d’affaires pour la reconstruction de notre pays, et nous sommes ouverts à toutes les propositions. »
Nous suivrons attentivement ce qui se passe à l’UE, dans le délai maintenant très court qui nous sépare de l’avis que doit rendre la Cour de Justice sur l’accord de pêche UE-Maroc, le 27 février prochain.