La situation au Sahara occidental occupé par le Maroc s’est particulièrement aggravée depuis la rupture du cessez-le-feu entre le royaume alaouite et le Front Polisario, le 13 novembre 2020. Il faut rappeler que c’était la société civile sahraouie, dont une majorité de femmes, qui manifestait à travers un sit-in pacifique à Guerguerate, dans la zone tampon démilitarisée au sud du mur de séparation, à l’extrême sud-ouest du Sahara occidental, quand les troupes marocaines sont intervenues pour les déloger par la force.
Que réclamaient ces manifestant-e-s ? L’arrêt du pillage des ressources naturelles du territoire du Sahara occidental et surtout la mise en œuvre, enfin, après 29 ans de blocage, du droit inaliénable du peuple sahraoui à disposer de lui-même édicté par l’ONU dès 1963.
Nous pensons que l’empêchement du droit à l’autodétermination favorise la violation de tous les autres droits humains sous l’occupation marocaine. Et les exemples de cette violation sont en nombre croissant et alarmant. Nous les apprenons par le biais de défenseurs des droits humains sahraouis remarquablement courageux, qui n’hésitent pas à risquer leur liberté, leur santé et même leur vie pour faire connaître ces exactions.
Pour les soutenir, l’Association française des Amis de la RASD travaille avec les organisations de défense des droits humains que sont l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), la FIDH (Fédération Internationale pour les Droits Humains), l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) et l’ISHR (International Service for Human Rights, en français Service international pour les droits de l’homme), grâce à l’engagement de notre amie Claude Mangin, membre de l’AARASD et épouse de Naâma Asfari, l’un des prisonniers politiques sahraouis du groupe de Gdeim Izik, incarcéré depuis plus de 10 ans au Maroc, condamné à 30 ans de prison en 2013 puis en 2017, sans preuve autre que de prétendus aveux obtenus sous la torture.
Claude elle-même est victime de représailles : depuis la condamnation du Maroc, le 12 décembre 2016, par le Comité contre la torture (CAT) de l’ONU suite à une plainte déposée par l’ACAT et le cabinet Ancile-avocats au nom de Naâma Asfari, le Maroc refuse de la laisser entrer sur son territoire, l’empêchant ainsi de rendre visite à son mari, en violation de ses droits d’épouse. Elle a d’ailleurs mené une grève de la faim durant un mois, en avril-mai 2018, pour tâcher d’obtenir le retour de son droit de visite. Mais si elle a pu, exceptionnellement ‒sous pression de quelle instance ?‒, rendre visite à Naâma en janvier 2019, ce droit lui a été de nouveau refusé en juillet 2019 sous prétexte que sa venue suscitait des atteintes à l’ordre public… Elle n’a pu le revoir depuis.
Aujourd’hui, la reprise de la guerre, que le Maroc refuse de reconnaître pour qu’on ne vienne pas se mêler de ses affaires, a bel et bien eu lieu. Et encore une fois les représailles sur la population civile sahraouie en territoire occupé sont dramatiques.
L’association des Amis de la RASD a choisi d’y faire face par deux canaux. D’une part, un appel urgent au Comité international de la Croix Rouge (CICR) pour qu’il dépêche sur le terrain une mission de protection des civils, action qui fait partieintrinsèquede son mandat en temps de conflit armé. Nous avons développé également un appel urgent au CICR au niveau de l’EUCOCO.
D’autre part, un communiqué de presse diffusé le plus largement possible auprès de journalistes, de femmes et d’hommes politiques, d’associations de défense des droits humains pour attirer l’attention sur celle qui est devenue l’emblème de la résistance pacifique des civils sahraouis face à l’oppression marocaine : Sultana Khaya. Son visage tuméfié de coups a fait le tour des réseaux sociaux. Nous rappelons à ce propos aux autorités françaises le rôle qu’elles peuvent et doivent jouer au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, instance internationalement responsable du sort du territoire non-autonome du Sahara occidental.
Notre communiqué de presse est accompagné d’un appel urgent au gouvernement français émanant de la représentation du Front Polisario en France, appel à intervenir de manière ferme auprès des autorités marocaines pour que cesse cette intolérable oppression.
Il nous reste à diffuser ces éléments auprès du Haut Commissariat aux droits de l’homme et du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, pour inviter la communauté internationale à prendre la mesure de sa responsabilité dans la défense de la vie et de la liberté du peuple sahraoui.
Nous saluons au passage l’appel de l’Intergroupe pour le Sahara occcidental au sein du Parlement européen qui invite le Haut Représentant/Vice-Président de l’UE, Josep Borrell, à prendre des mesures immédiates et décisives à l’égard du Maroc pour obtenir la fin de la répression des défenseurs des droits humains et militants politiques sahraouis.
Ce sont aussi les portraits au cas le cas de ces défenseurs et militants sahraouis que nous publierons sur notre site Écrire pour les libérer car chaque Sahrawi Live Matter !comme le suggère une équipe de jeunes Sahraouis et de solidaires qui ont réfléchi à la manière de mieux faire connaître le peuple du Sahara occidental.
Face aux nouvelles alarmantes qui nous arrivent du territoire occupé par le Maroc, sans oublier celles venant des prisons marocaines, comme Tiflet 2 où le militant sahraoui Mohamed Lamine Haddi mène une grève de la faim depuis près de 50 jours pour protester, entre autres, contre son éloignement de sa famille (quelque 1200 km),
nous lançons un appel urgent aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, comme Ms Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et Mr Nils Melzer, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, pour qu’ils enquêtent sur la situation des Sahraouis au pouvoir du régime marocain.
Le 3 mars 2021,
Nicole Gasnier
Secrétaire générale de l’Association des Amis de la RASD
Intervention lors de la visioconférence organisée par le Groupe de soutien de Genève pour la Protection et la Promotion des Droits de l’Homme au Sahara occidental avec pour thème : « La situation des prisonniers politiques, des défenseurs des droits humains et des journalistes sahraouis »