Daniel Cordier, compagnon de la libération devenu un éminent historien de la résistance vient d’être honoré ce 26 novembre 2020 aux Invalides. Les paroles prononcées à cette occasion par le Président de la République m’ont d’autant plus émues qu’elles m’ont renvoyées non seulement à ma jeunesse mais également à l’engagement presque d’une vie, celui du soutien à la résistance du peuple sahraoui et du mouvement de libération qu’il s’est donné, le Front Polisario.
C’est une émotion d’autant plus forte que le cessez-le-feu de 1991 a été rompu ce 13 novembre par le Maroc et que la guerre semble de nouveau la seule solution pour les Sahraouis de faire valoir leur droit – droit que la Communauté internationale n’a jamais eu l’ambition d’appliquer en imposant au colonisateur marocain la mise à exécution de ses résolutions, répétées d’année en année depuis 45 ans sans jamais d’effectivité.
Ces jeunes soldats que l’on commence à apercevoir dans les camions ou au sommet des chars sur les photos des premiers communiqués de l’agence de presse sahraouie, ont-ils été les jeunes que nous avons reçus chaque été en France ou en Europe depuis 1980 ?
La décision de réagir au coup de force marocain ce 13 novembre a été partout où se trouvent des Sahraouis ressentie comme une délivrance ou comme une dignité enfin réaffirmée. En effet, le Front Polisario résiste depuis au moins trois congrès – organisés tous les 5 ans – à l’impatience de beaucoup, des jeunes surtout où qu’ils soient, qui n’en peuvent plus d’attendre un règlement politique. Ce règlement politique, les autorités marocaines l’empêchent à tout prix, craignant pour l’existence de leur régime et de leur société. Partout, dans les campements de Tindouf, les hommes se sont de suite engagés ; dans les territoires occupés du Sahara, les rues se sont retrouvées avec manifestants et manifestantes ce 14 novembre, en Espagne également, forte d’une diaspora très engagée, en France aussi où un premier rassemblement à Paris a été décidé ce 28 novembre.
Les membres du Conseil de sécurité, l’Union européenne vont-ils enfin prendre conscience que la volonté d’indépendance du peuple sahraoui est intacte et capable de résister au temps ? Pendant ces 30 ans de ni guerre, ni paix, en attente du référendum, dans le respect des règles du fonctionnement de la Communauté internationale, les Sahraouis et le Front Polisario ont mis en œuvre les objectifs initiaux de leur lutte de libération. Autour de leur république en exil, dans les camps de réfugiés de Tindouf, cœur pour tous où qu’ils soient de leur existence en tant que peuple indépendant, ils ont maintenu leur unité et construit une citoyenneté sahraouie capable d’affronter les épreuves du temps, l’indifférence de la Communauté internationale subjuguée par la monarchie marocaine, un rapport de forces très inégal, mais aussi de s’appuyer sur une solidarité internationale, celle des États amis et des sociétés civiles qui n’a jamais failli.
En me souvenant de Daniel Cordier, des jeunes de l’Île de Sein partis à 20 ans à Londres, je ne peux qu’admirer cette jeune collégienne sahraouie, Hayat EDDAYA, âgée de douze ans, scolarisée dans un collège d’El Aïoun, soumise comme tous dès l’école maternelle à la propagande marocaine du Grand Maroc et de son intégrité territoriale, qui a su dire non. Elle est allée en classe revêtue d’un pantalon militaire, avec sur sa blouse de collégienne le dessin du drapeau national sahraoui ! Cet acte patriotique n’a pas échappé à ses enseignants : dénoncée, elle a été arrêtée pendant 48h au commissariat de son quartier où elle a été maltraitée, et la maison de sa famille a été encerclée pendant ce temps par plusieurs voitures de police.
Cet acte d’une toute jeune fille ne peut être qu’isolé tant la pression coloniale et répressive est forte et marque au fer rouge le quotidien des Sahraouis sous occupation. Va-t-elle être en mesure de faire comprendre à tous, institutions, médias, hommes et femmes de bonne volonté au Maroc que cette chimère nationaliste est vaine et nuit autant à la société marocaine qu’à tout le peuple sahraoui ? La décision rendue ce 25 novembre par la Cour de cassation de Rabat n’invite pas à l’optimisme. Cette Cour de justice, en toute indépendance bien sûr, vient de confirmer les lourdes condamnations des militants arrêtés au moment du démantèlement du Camp de Gdeim Izik, en 2010, et emprisonnés depuis : de 20 ans à perpétuité pour ces 19 prisonniers politiques dispersés dans diverses prisons marocaines, loin de leur famille, loin du territoire du Sahara occidental où le droit international humanitaire dispose qu’ils devraient être incarcérés. Détention arbitraire reconnue et affirmée par l’ensemble des mécanismes spéciaux de l ‘ONU.
Alors il est temps que la Communauté internationale s’y mette enfin résolument. Notre pays d’abord, membre du Conseil de sécurité, qui appelle à la désignation d’un nouvel envoyé personnel et se dit prêt à participer à la réussite d’un prochain processus politique. L’Espagne aussi, étant donné son statut de puissance administrante de juredu territoire non autonome du Sahara occidental. Un seul objectif : organiser immédiatement un référendum d’autodétermination avec toutes les garanties démocratiques qui s’imposent.
Régine Villemont
Présidente de l’Association des Amis de la RASD